Le site de Tintignac

Le site de Tintignac est un site archéologique localisé en Corrèze sur la commune de Naves. Il est notamment connu pour la superposition d’un temple gallo-romain sur un sanctuaire gaulois et a également fait l’objet de grandes découvertes : des casques et des carnyx (trompettes de guerre gauloises) remarquablement bien conservées ont été exhumés. En 2020, ces découvertes ont fait l’objet d’une exposition au musée du Président Chirac à Sarran.

Le site dans l’historiographie locale

Le site est connu depuis plusieurs siècles par les érudits locaux. Étienne Baluze (1630-1718), historien, bibliothécaire et juriste tulliste l’évoquait déjà en 1717 dans son ouvrage Historia tutelensis. Il y faisait référence sous la mention de Mansus de las Arenas et de nobile oppidum. En 1838 dans ses notes de voyage, Prosper Mérimée (1803-1870) évoquait aussi l’ensemble antique de Tintignac. Dans la littérature scientifique locale, des découvertes fortuites de sculptures, monnaies et céramiques sont régulièrement évoquées. En 1840, le site est classé aux Monuments historiques. Quelques années plus tard en 1884, plusieurs bâtiments sont mis à jour : un fanum à double cella, un édifice identifié comme un « tribunal », un théâtre et une construction en hémicycle. Plus tard, on désigna le site comme les « Arènes de Tintignac » puis au XXème siècle, les articles publiés dans les bulletins des Sociétés savantes de la région évoquèrent peu à peu les ruines « romaines » puis « gallo-romaines » de Tintignac. Progressivement la connaissance du site s’affina.

Plan du site archéologique de Tintignac selon Guillot et Ferrière, 1884.

Une brève histoire des fouilles

Les premières campagnes de fouilles ont été menées au XIXème siècle. Le site est inspecté pour la première fois en 1830 par les érudits locaux permettant de dégager quatre grands bâtiments. Puis de 1842 à 1884, de nouvelles fouilles sont réalisées sur la base des découvertes faites dans les années 30. On creuse le long des murs de chaque bâtiment, à la recherche de nouveaux vestiges antiques.

Au début du XXème siècle, le site continue de fasciner les érudits comme en témoignent les publications et les références faites dans les monographies d’histoire locale. Pourtant, il faut attendre le début du XXIème siècle avant que les fouilles sur le site ne soient officiellement reprises. En 2001, l’INRAP (Institut national de recherches en archéologie préventive) se concentre principalement sur la fouille du temple à l’ouest.

Puis en 2004, de grandes découvertes sont faites. Dans le temple à l’angle de la plateforme sacrée, un dépôt d’objets métalliques exceptionnellement bien conservé est mis à jour. On parle d’ailleurs du « dépôt d’armes » de Tintignac dans lequel 496 objets datant du IVème au Ier siècle avant n.è ont été exhumés. Épées en fer, fourreaux, fers de lances, casques, boucliers, couvre-nuque, protège-joue, chaudron en fer, disques, têtes d’animaux en bronze et trompettes de guerre (carnyx) constituaient la majorité de cet enfouissement. La découverte est incroyable et témoigne à elle seule de la grandeur du site. Suite à cette découverte, les fouilles furent interrompues pendant quatre années avant de reprendre une fois en 2009.

Topographie du site

Géographiquement, le site de Tintignac est situé proche d’une voie de communication importante surnommée « la route des métaux ». C’est Jean-Michel Desbordes (archéologue, ancien directeur des Antiquités Historiques, fondateur de la revue « Travaux d’archéologie limousin » et co-auteur du livre Limoges antique) qui identifia à proximité du site la présence d’un itinéraire protohistorique traversant le territoire lémovice. Le site est lui-même à mi-coteau d’une colline, implanté au sud-ouest du Massif central entre le Bassin d’Aquitaine et la montagne limousine. Son relief de collines lui confère un avantage : le bénéfice d’un réseau de sources drainé par la vallée de la Corrèze. Et à cela, s’ajoute les nombreuses mines d’or et de fer présentes aux alentours. Toutes les conditions semblaent réunies pour y établir un lieu de culte.

Aperçu du plan du site archéologique de Tintignac. Sources : INRAP

Du sanctuaire gaulois au temple gallo-romain

Avant la Conquête romaine, le site était occupé par les Gaulois et une structure préexistait déjà. Le sanctuaire gaulois (II-Ier siècle avant notre ère) a été mis à jour en 2005 sous le temple gallo-romain. Il était constitué de la manière suivante : une palissade entourant un espace carré au centre duquel se trouvait un bâtiment de forme circulaire en bois. Les fouilles ont montré que ce petit temple avait été reconstruit de nombreuses fois. Les fosses de ces fondations ont aussi livré un grand nombre de monnaies lémovices volontairement martelées. Cette mutilation volontaire sur un objet métallique illustre le rituel de désacralisation, courant chez les peuples gaulois. Ce rituel avait pour objectif de rendre impropre à un nouvel usage les offrandes déposées en les abîmant volontairement.

Illustration d’un fanum gallo-romain avec une galerie extérieure pour circuler autour. On vient y honorer les dieux.

Au Ier siècle de notre ère le sanctuaire gaulois est détruit et remplacé par deux modestes petits fana doté de cella délimités autour par un grand mur périphérique (cf. plan). Puis au IIème siècle, le sanctuaire est remanié : deux salles sont intégrées constituant un vaste ensemble dont les murs étaient recouverts de peinture et de marbre, mais à la fin du IIIème siècle la structure est malheureusement incendiée. Enfin, la découverte d’un puits datant du IIème siècle de notre ère et d’un aqueduc souterrain à proximité du sanctuaire amena les archéologues à penser qu’un espace (bassin ou fontaine) avait dû être aménagé pour capter une source. Cependant le puits n’a sans doute jamais servi à récupérer de l’eau.

Le « tribunal »

Face au sanctuaire, un bâtiment nommé le « tribunal » depuis le XIXème siècle par les érudits locaux, a été partiellement fouillé. Malheureusement, les archéologues ne sont pas en mesure de décerner sa véritable fonction. Ce bâtiment situé dans un ensemble monumental dédié au culte, pourrait vraisemblablement être un édifice religieux. Long de 75 mètres, le « tribunal » est un édifice longiligne constitué de trois salles de forme rectangulaire reliées par une galerie linéaire avec absides. Situé en pente, ce bâtiment se trouve dans le prolongement du mur de façade du bâtiment en hémicycle. Ce bâtiment ajouté au IIème siècle témoigne à l’échelle locale du succès de ce grand sanctuaire.

Le bâtiment en hémicycle

Vue aérienne du « bâtiment en hémicycle » du site de Tintignac

Derrière le théâtre, un autre bâtiment semble avoir pris place. Ce bâtiment, construit au IIème siècle de notre ère,a été abandonné quelques décennies plus tard au IIIème siècle suite à un incendie. Sa forme semi-circulaire, unique en son genre, intrigua les archéologues lors des fouilles menées en 2003. On distingue une salle principale à partir de laquelle se développait une galerie semi-circulaire dotée de dix absides et à chaque extrémité, une salle rectangulaire. Le dégagement d’un dallage de marbre au sol dans la salle principale et de blocs de granit au centre des absides a longtemps fait supposer aux archéologues qu’il s’agirait d’un panthéon. Aujourd’hui, la fonction de ce bâtiment n’est pas totalement attestée.

Le théâtre

Proche du bâtiment en hémicycle, les vestiges de forme semi-circulaire (environ 95 mètres) du théâtre de Tintignac prennent place. Dans l’Antiquité, le théâtre était un édifice de spectacle recevant du public et où plusieurs représentations théâtrales avaient lieux (tragédies, comédies…). Cet édifice est connu depuis le XIXème siècle puisqu’il est fouillé pour la premières fois en 1847 puis quelques années plus tard en 1884. Les derniers sondages effectués en 2004 ont permis de montrer qu’une grande partie de l’espace était encore recouvert. La spécificité de ce théâtre c’est la présence au centre d’une arène elliptique similaire aux amphithéâtres. Ainsi, le théâtre de Tintignac a été identifié comme un théâtre typiquement gallo-romain : il reprend l’architecture traditionnelle des théâtres romains tout en incluant l’aspect d’un amphithéâtre. Cette hybridité n’est pas étonnante et se rencontre souvent dans les campagnes de la Gaule.

La grande découverte : le dépôt d’armes

A l’angle du sanctuaire un exceptionnel dépôt d’objets métalliques datant du IVème au Ier siècle avant notre ère a été découvert. Dans cette fosse plusieurs artefacts, en bon état de conservation, ont pu être exhumés : des instruments de guerre celtique à caractère guerrier (des carnyx quasi complets, des pavillons de trompettes, des morceaux de crêtes et de tubes, des anneaux-bagues de raccord et une embouchure de carnyx), des armes (épées, fourreaux d’épées et umbo de bouclier), des casques (casque de cheval, casque-oiseau, casque à triple anneaux), des objets métalliques en forme d’animaux (chaudron, portions de tôle de bronze, têtes…) et de nombreux autres objets non identifiés. Selon les archéologues, cet enfouissement volontaire pourrait dater de la moitié du Ier siècle avant notre ère lors de la démolition du sanctuaire gaulois avant sa reconstruction. Les objets déposés possédaient un caractère sacré et étaient vraisemblablement utilisés dans un cadre cultuel précis. Une réflexion très intéressante a d’ailleurs été formulé à ce sujet. L’abandon et l’enfouissement de ces objets corroboraient avec le phénomène de romanisation acté par la conquête de la Gaule. On observe ainsi qu’un changement a véritablement été opéré, que ce soit dans les rituels religieux ou dans l’organisation et l’architecture du site en lui-même.

Bibliographie :

FABIOUX, Martine et MANIQUET Christophe, Le sanctuaire des arènes de Tintignac, plaquette pédagogique mis en ligne sur le site de l’INRAP.

MANIQUET, Christophe. 2005, « Découverte à Tintignac (Corrèze, F)  un dépôt exceptionnel d’objets gaulois ». Instrumentum, vol. 21.

MANIQUET, Christophe, et al. 2011, « Le carnyx et le casque-oiseau celtiques de Tintignac (Naves-Corrèze). Description et étude technologique ». Aquitania, vol. 27, p. 63‑150.

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